Cépage ou terroir ?
Comme nous le savons tous, le vin peut être classé de différentes façons, mais, fondamentalement, il y en a principalement deux. Ainsi, on peut décider que l'origine géographique du vin (à savoir, où il est cultivé et produit) est déterminante ou que ce sont les cépages utilisés dans la vinification du qui sont les plus importants. La première façon est habituellement défendue par les pays européens producteurs de vin et la deuxième par ce que nous appelons les pays du Nouveau Monde.
En France, quand on parle des différentes variétés de vin, il est d'abord question de leur origine géographique avec le système des appellations chargées d'organiser la production de vin français. Cela existe aussi dans d'autres pays producteurs de vin en Europe, surtout depuis que les systèmes sont harmonisés par Bruxelles depuis 2009. Mais c'est en France que tout a commencé, grâce à un vigneron à Châteauneuf-du-Pape, Pierre Le Roy de Boiseaumarié (souvent appelé Baron Le Roy). C'est lui qui est à l'origine du système qui a été créé en 1935. Une appellation est un lieu géographique viticole qui a des règles fixées par l'Etat pour la production de vin. Ceci implique que la vinification et les variétés de raisins autorisées dans chaque région sont très règlementées. Ces règles peuvent bien entendu être ignorées, mais le vin fabriqué ne sera pas un vin d'appellation AOC.
Le symbole AOC français, remplacé par le symbole AOP européen, ainsi que le IGP
Il y a encore une 10-aine d'années, peu de consommateurs en France se demandaient quelles variétés de cépages composaient les vins qu'ils dégustaient. Seul l'origine géographique comptait et compte encore aujourd'hui. En fait c'est le terroir qui est la chose la plus importante dans la catégorisation des vins en France. Le terroir dans le sens large du terme. C'est-à-dire la terre, mais aussi l'exposition de la vigne, le climat, le vent, l'altitude… en fait tout ce qui influence la maturation du raisin et qui crée ainsi le caractère définitif du vin. Historiquement en France, le système des appellations était un concept très important à la fois pour le vigneron et pour l'homme de la rue. Aujourd'hui encore, surtout pour les plus âgés d'entre nous, on ne donne aucune importance aux cépages utilisés, c'est le système des appellations qui compte.
La France étant LE pays des règles et surtout des exceptions, le vin n'y a pas échappé ! En effet, l'exception est Alsace, où le nom du cépage est ajouté au nom de l'appellation Alsace depuis sa création en 1962. On dit par exemple, AOP Alsace Riesling ou Gewurztraminer. Mais l'Alsace reste cependant une exception. Peu sont les consommateurs en France qui dans un magasin demanderont un Chardonnay. On demande plus facilement un vin blanc de Bourgogne avec toutes ces appellations géographiques possibles…
Contrairement à cette philosophie de terroir, il y a ceux qui sont principalement intéressés par les variétés de raisins contenues dans la composition du vin. Cette philosophie provient plutôt des vins du nouveau monde qui, moins liés par la tradition et par l'histoire, expérimentent et produisent des vins monocépages et de façon général, on s'intéresse plus à la variété du raisin qu'à son origine.
Qui a raison et qu'est ce qui est important au moment du choix de son vin ? De complètement ignorer la composition du vin est peut-être un peu simpliste et démodé pour l'amoureux du vin en quête de savoir. Aujourd'hui, même en France, on a réalisé l'impacte d'un cépage sur la saveur finale d'un vin. Certaines régions respectent scrupuleusement les règles, comme en Bourgogne, où seul le Pinot Noir est planté (une certaine partie de Gamay) pour les vins rouges. On peut donc dire que pour cette région l'intérêt des cépages est nul. Par contre, dans la vallée du Rhône, nous connaissons le Châteauneuf-du-Pape par exemple qui peut contenir jusqu'à 13 cépages différents, ou dans le Pays d Oc où il y a 60 cépages différents. Dans ces régions là, l'intérêt d'examiner les cépages qui composent le vin est beaucoup plus pertinent.
Ces dernières années, la philosophie des cépages a eu un impact aussi en France. Dans certaines régions de France où la réputation des vins n'était pas très qualitative, les vignerons ont commencé à également produire des vins de cépage. Aujourd'hui, nous constatons par exemple que de bons vins nommés Pinot Noir, Chardonnay, Syrah ou encore Malbec sont produits dans le Languedoc et en Provence. Quel est alors le problème et pourquoi y a-t-il des antagonistes à la philisophie des cépages ?
La dénomination de cépage est une façon simpliste pour définir un vin et cette philosophie a en effet été vivement encouragée par de grands vignobles industriels. Les représentants de cette philosophie sont les grandes exploitations du nouveau monde et principalement les grandes entreprises américaines (y compris Gallo et Mondavi). On appelle souvent ces vins «vins techniques" qui ne tiennent pas compte de l'origine naturelle du raisin et qui utilisent souvent des arômes artificiels mais cotoient malgré tout les vins naturellement produits dans les caves à vin du monde entier. La critique provient évidemment principalement de l'Europe, car certaines techniques utilisées dans le nouveau monde sont absolument interdites sur le vieux continent. Ces vins ont tendance à avoir des noms facilement mémorisables suivi du nom de cépage (Merlot, Chardonnay, etc …), promus avec de gros budgets publicitaires. Et bien sûr, être en mesure de vendre un Chardonnay avec un nom de marque facile à retenir à travers le monde avec la garantie de goût année après année est industriellement beaucoup plus intéressant que d'avoir à promouvoir un vin local avec des noms de lieux locaux difficile à prononcer par les étrangers et dont les saveurs et arômes varient selon le millésime … Il y a, bien sûr, avec cette simplification, un grand risque que la diversité des vins dans le monde soit limité et se standardisent. En exagérant, on peut dire qu'il y a des intérêts industriels qui voudraient volontiers que le vin blanc s'appelle du Chardonnay et le vin rouge du Shiraz (ou syrah en français)… Si l'on mettait cela en système, nous perdrions alors les petits cépages locaux qui font la diversité et tout l'intérêt du vin !
Barefoot, la plus grande marque de vin du monde – de chez E & J Gallo.
Il est facile de comprendre la différence entre les différentes philosophies quand vous regardez la structure de la production de vin; en Australie, trois producteurs se partagent 80% des ventes à l'export. Alors qu'en France, seulement pour le bordelais, nous avons 20.000 vignerons différents … Je vous laisse méditer …
Notre point de vue sur la question est simple; il y a de la place pour les deux philosophies. L'approche de la philosophie variétale est principalement destinée aux vins plus simples d'entrée de gamme pour des consommateurs qui n'ont pas de connaissance particulière ni d'intérêt pour le vin mais qui considèrent le vin comme une boisson comme une autre. Les connaisseurs et amateurs de vins savent pourtant que les vins peuvent être très différents selon leur provenance même s'ils ont le même cépage. Un Sauvignon blanc de la Loire, par exemple, est très différent d'un Sauvignon du Frioul du nord de l'Italie. La philosophie des terroirs s'adresse donc à des amateurs de vins en perpétuelle recherche de découverte aromatique et emprunts de curiosité.
Le système des appellations nous assure que le vin n'a pas évolué avec des copeaux de chêne, mais bien dans de vrais fûts et sans ajout d'arômes artificielles illégaux. Par contre, autant en France qu'en Italie, il y a des vins d'appellation qui, malheureusement, ne sont pas d'une grande qualité. Les AOC (ou AOP) sont une garantie pour le respect de la tradition et de l'origine (terroir) du vin que les vins IGP. Mais parfois, un vin IGP peut être bien meilleur qu'un AOP qui respecte les règles du terroir. Ce qui est important de savoir, c'est qu'un AOP ne produira pas de vin basé sur des cépages interdits dans sa région et n'utilisera pas de technique de vinification contraire à la tradition de sa région. Contrairement à un IGP qui peut produire du Gewurztraminer ou du Pinot Noir en Languedoc. Alors libre à chacun de goûter ces expérimentations ou pas…
Etes-vous maintenant complètement confus après cette lecture ? En fait, pour déguster un bon vin, vous n'avez pas besoin de choisir parmi ces deux philosophies. Il est important qu'il existe le système des appellations qui structure la production du vin, mais il est aussi bien qu'il y ait des vignerons qui produisent de bons vins de cépages qui n'existent pas naturellement dans leur région (vins non industriels bien sûr !). Tout ce qui augmente la variété et la gamme sont à notre avis la question la plus importante !
L'ironie est que c'est la nature qui décide et donc la même variété, provenant de climat différent donnent une saveur différente au vin quoi qu'il arrive. Il existe par exemple dans le sud de la France des producteurs de vin qui cultivent des cépages français et italien (le Vermentino par exemple) sur la même terre, mais les raisins produisent deux vins blancs aux saveurs bien différentes ! Le vin est un produit agricole issu de la terre, il est donc jamais pareil et la seule véritable garantie de choisir un bon vin est de le goûter !