L’histoire du “champagne de la Baltique” continue
Aucun passionné de vin n'a pu éviter de lire l'article à propos du «champagne de la Baltique» trouvé dans un naufrage au large des îles Åland en 2010. Pas moins de 168 bouteilles, dont un grand nombre de bouteilles sont encore buvables, gisaient depuis le début du XIXème siècle à 55 mètres de profondeur. Le champagne a été retrouvé bien conservé sur le fond marin, protégé de la lumière, à 6 bars de pression (la même pression que dans la bouteille) et à la température constante de l'eau 4-6°C depuis 170 ans. Le champagne provenait principalement de la maison de champagne Juglar (aujourd'hui disparu et racheté par Jacquesson en 1832), mais aussi de la Veuve Cliquot et Heidsieck. Avec l'aide d'experts, il a été confirmé que les bouteilles Veuve Cliquot sont complètement originales et ont probablement produites et vendues par feu madame Cliquot. Une découverte historique. Les premières bouteilles sont allées dans les ventes aux anchères à Mariehamn en Juin 2011. Une bouteille de Veuve Cliquot et une de Juglar ont été vendues 30 000 € et 24 000€. C'est plus vieux champagne du monde jamais vendu !
Depuis sa découverte en 2010, de nouvelles découvertes ont mises en lumière par le PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences des États-Unis). Le 20 avril de cette même année, Philippe Jeandet, professeur de biochimie à l'Université de Reims et le professeur Philippe Schmitt-Kopplin de l'Université de Munich ont publié de nombreux articles intéressants à propos de ces découvertes de vins. Philippe Jeandet a pris des échantillons de 100 microlitres, soit 2 gouttes dans une pipette. Il décrit le vin comme très spectaculaire, parfaitement conservé et avec des notes aromatiques de tabac et de cuir. D'autres professionnels en œnologie ont eu l'occasion de goûter à ce vin et l'ont décrit «jeune» au goût frais, des d'éléments floraux et fruités.
Une surprise cependant; sa teneur en sucre était significativement plus élevée que celui du Champagne d'aujourd'hui. Pas moins de 150 grammes de sucre par litre ont été mesurés soit trois fois plus de sucre que dans du Coca-Cola. L'explication est que c'était la référence de la saveur contemporaine en France et en Allemagne. Pour la noblesse russe, la teneur de sucre était même le double, 300 grammes par litre, ce qui confirme que ce vin n'avait pas la Russie comme destination finale. Le champagne moins sucré a fait ses débuts vers 1850 pour le goût américain et anglais qui préféraient moins de sucre dans le vin.
L'analyse chimique a également été en mesure de confirmer plusieurs choses intéressantes:
Le premier constat est que le taux d'alcool atteint seulement 9,5% contre 12,5% aujourd'hui. La raison en est sans doute que le climat était plus froid à cette époque et la teneur en sucre naturelle des raisins étaient donc moindre ce qui donnait un vin plus faible en alcool.
La composition chimique est très semblable à celle que nous trouvons dans les champagnes d'aujourd'hui. Cela signifie probablement que dans le début des années 1800 la technique de vinification est maîtrisée et que la technologie elle-même n'a pas beaucoup changé depuis.
Il a été retrouvé une grande quantité de traces de bois car la vinification de l'époque se faisait en fûts de chêne.
La présence de fer a aussi était détectée en raison des récipients de fer utilisés pour transporter le jus de raisin et une présence de cuivre qui s'explique par l'utilisation de soufre pour lutter contre les infections fongiques de la vigne.
En résumé, d'un point de vue sanitaire, ces vieux millésimes de 170 ans sont parfaitement aptes à être consommés et les chanceux qui ont pu les déguster ont certainement vécu une expérience inoubliable … !!!